Il y a d’abord une course effrénée en caméra subjective dans un Paris contemporain. On zigzague entre les voitures, les vélos, les piétons surgissent, les marteaux-piqueurs sont à la fête. Et puis soudain, André Dussollier surgit sur le plateau, essoufflé et ravi de retrouver le calme de son appartement haussmannien. “Tout seul enfin, la liberté, l’exquise liberté, le silence absolu (...). En vérité je n’ai vraiment l’impression que je suis libre que lorsque je suis enfermé ” nous confie t-il alors qu’il cite Guitry dans sa pièce “Un soir quand on est seul”.
Il enchaîne alors et nous régale de textes oubliés, mêlant un concert extravagant d'onomatopées de Dubillard à un poème tragique de Victor Hugo sur le destin d’un crapaud. Il convoque Baudelaire et Aragon, réunit la virtuosité de Devos, dont un des sketchs célèbres donne le titre au spectacle, à celle de Paul Fournel qui décrit le désespoir d’un lanceur de marteau confronté à l'absurdité de son sport. Amoureux des mots et des Diablogues de Dubillard, il rend un ultime hommage à la langue et au plaisir des mots à travers le panégyrique qu'il adresse à "l’écrivain souterrain", celui qui rédige les messages d’information que l’on trouve dans les gares et sur les quais du métro, l'auteur inégalé de "Il est expressément défendu d'ouvrir les portières pendant la marche, de se pencher au-dehors, d'entrer ou de sortir des voitures autrement que par les portières".
Certes enfermé au Théâtre Marigny, on pourrait pourtant rester encore longtemps à écouter cet immense comédien et ce magnifique passeur de mots.
Un des meilleurs spectacles de la saison. A ne pas rater !
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