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Peu importe

Dernière mise à jour : 23 sept.

Le dramaturge allemand Marius von Mayenburg ausculte sans concession l’usure d’un couple contemporain, révélant à vif les injonctions de notre société à vouloir tout réussir. Dans une mise en scène de Robin Ormond au plus près du texte, Marilyne Fontaine (Simone) et Assane Timbo (Erik) mettent leur formidable talent au service de deux êtres touchants par leur humanité. 

 

Il est tard, ce dimanche, quand rentre de voyage d’affaires Simone interprétée par Marilyne Fontaine. Elle tend à son mari Erik, Assane Timbo, un cadeau qu’elle a probablement acheté précipitamment à l’aéroport de Modène avant de monter dans l’avion. Commence alors une conversation ininterrompue entre les deux époux dans laquelle le flot de leurs pensées s’expriment en temps réel, se percutant les unes aux autres. Ressentiments, attaques, victimisations, ripostes : on assiste en direct au délitement d’un couple à bout de souffle et de nerf. Erik, traducteur, s’occupe des enfants et de la maison, Simone est ingénieure dans l’automobile et tous deux sont essorés par leur vie. 

 

Noyés sous une montagne de cadeaux colorés qui envahissent le plateau, eux, qui croyaient être à l’avant-garde en menant de front leur carrière, leur famille et leur vie de couple, foncent droit dans le mur. Simone n’arrive pas à quitter son entreprise et son patron toxique. Elle voulait être cheffe, prendre des décisions, a fait des concessions sur sa vie professionnelle car “Les phases cruciales ont lieu la nuit (...) c’est là que se sépare le bon grain de l’ivraie, c’est là que se forgent les carrières”. Erik ne traduit pas suffisamment, à peine deux ou trois romans ces dernières années : Je n’arrive pas à mener ma vie. Ce que je me suis fixé comme objectif, je n’y arrive pas. (...) Tout est trop serré. Je suis la catastrophe”

Même si, refaisant surface un instant, ils se raccrochent à l’idée que mener une carrière, élever des enfants, soutenir son conjoint est révolutionnaire”, “qu’ils sont des modèles pour les générations à venir”, ils replongent aussitôt. Car “Ce qu’on nous a raconté, cette promesse de capitalisme : l'égalité et la prospérité grâce à la réussite professionnelle, une famille heureuse à la maison (...) tout ça n’est rien que de la propagande”.

 

Mais, la force de la pièce et du texte ne s’arrête pas à cette dissection à l’os de la vie de couple malmenée par les effets du capitalisme moderne, elle va plus loin en inversant les rôles d’Erik et de Simone. Une robe enfilée, les cheveux détachés et les lunettes d’Erik sur le nez, Simone devient traductrice. Erik passe une chemise sur son t-shirt et prend le rôle de l’ingénieur automobile. Les conversations reprennent sur les mêmes sujets, les mêmes dynamiques dysfonctionnelles ressurgissent et les appels professionnels continuent d’électriser toujours plus l’atmosphère. Jusqu’à ce que les protagonistes décident de lâcher prise, de ne pas répondre au téléphone. Peu importe alors ce qui arrivera, pour le meilleur ou pour le pire.

 

Texte Marius von Mayenburg

Mise en scène & traduction Robin Ormond

Avec Marilyne Fontaine et Assane Timbo

Scénographie & lumières Manon Vergotte

Costumes Louise Digard

Création sonore Arthur Frick

Dramaturgie Laurent Muhleisen

 



Marilyne Fontaine (Simone) et Assane Timbo (Erik) © V. Amanpour
Marilyne Fontaine (Simone) et Assane Timbo (Erik) © V. Amanpour

 

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