Christophe Honoré reprend au Théâtre de la Porte Saint-Martin Les Idoles, spectacle qu'il avait créé au Théâtre Vidy-Lausanne en 2018. Un spectacle sur les années 80-90, minées par le Sida, sur la mémoire et la transmission.
L’écrivain, metteur en scène et cinéaste Christophe Honoré rassemble sur le plateau six fantômes qui ont marqué sa jeunesse, tous morts du Sida dans les années 90. Les cinéastes Cyril Collard et Jacques Demy, l’écrivain Hervé Guibert, le critique Serge Daney, les auteurs et metteurs en scène Jean-Luc Lagarce et Bernard-Marie Koltès. Ces artistes et intellectuels qui ne se fréquentaient pas forcément de leur vivant, se retrouvent réunis par Honoré dans un très beau décor qui rappelle une station de métro, une zone industrielle ou un parking, lieux de drague homosexuelle des années 80.
Le théâtre : un lieu rêvé pour cette rencontre
Il faut le dire d’emblée, Les idoles n’est pas un biopic, et c’est toute la force du spectacle. Les personnages sont construits à partir de trois sources : la réalité de leurs œuvres ou de leurs témoignages, ce que Christophe Honoré imagine d’eux et enfin ce que chaque comédien met de lui dans le personnage qu’il incarne. Il ne s'agit ni de copier Cyril Collard ni Hervé Guibert mais bien de faire exister au plateau les personnages que Christophe Honoré a rêvé. Dès lors, on retrouve la personnalité des comédiens dans leur jeu : l'évanescence de Paul Kircher qui joue Bernard-Marie Koltès, l’expressivité brute de Marlène Saldana qui interprète Jacques Demy. Nue sous son manteau de fourrure, la comédienne livre une chorégraphie érotico-burlesque drôlissime et totalement inattendue sur La Chanson d'un jour d'été des Demoiselles de Rochefort. Ce parti-pris rend ces fantômes plus vivants, plus intimes.
Cette intimité est aussi partagée dans leur rapport à la maladie qui les unit et les réunit. Omniprésente dans leur vie et pour certains dans leur œuvre, les personnages s’en amusent, ironisent, la défient. La mort et la maladie sont partout : brutales quand ils s’assoient sur des sauts ou s’allongent, comme frappés par un malaise, poétiques quand ils dansent comme des oiseaux sur la musique des Doors.
“Ce que tu aimes bien est ton véritable héritage”
Dans Les Idoles, Christophe Honoré s’interroge sur ce qui le lie à ces intellectuels et artistes : “J’étais étudiant, je voulais écrire, faire du théâtre, réaliser des films et ils étaient mes idoles. Non pas des pères, mais des frères aînés. Ils sont tous morts, les uns après les autres. De ce vide, je ne me suis jamais consolé. C’est le sujet du spectacle : cet amour balayé par une maladie qui pour certains était honteuse. On ne mesure pas combien l’héritage de ces artistes est trouble : il s’est fait sur la peine et l’absence, sur l’impossibilité de communiquer avec eux”.
Les Idoles, c’est l'histoire de ce manque. Que seraient Christophe Honoré et son art si ces artistes n’étaient pas morts ? Qu’auraient produit leurs rencontres ? Quelles auraient été leurs influences sur son travail ? Que seraient-ils devenus ? Quelle œuvre auraient-ils continué à construire ?
Ces questions, qui jaillissent de la citation d’Ezra Pound qui ouvre le spectacle “Ce que tu aimes bien est ton véritable héritage”, sont le fil rouge du spectacle. Les six idoles de Christophe Honoré sont la famille qu’il s’est construite. Des êtres habités par la mort et par une formidable puissance de vie. Des êtres d’une énergie magnifique, d’une sensualité et d’une liberté inouïes, à l’image des ailes d’oiseaux qu’ils déploient quand ils pénètrent sur la scène et avant juste avant qu’ils n’en disparaissent.
Les Idoles
Ecriture et mise en scène Christophe Honoré
Avec Harrison Arévalo, Jean-Charles Clichet, Marina Foïs, Julien Honoré, Paul Kircher, Marlène Saldana
Et l’apprenti du Studio – Esca : Lucas Ferraton

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