Les marchands
Les marchands de Joël Pommerat. Mise en scène de Joël Pommerat, Festival d'Avignon, 2006
Mon ressenti en face de toute la pièce fut la sidération et l’émerveillement de ne jamais avoir rien vu de pareil et d’en être bouleversée. Impossible de citer une scène en particulier, mais le souvenir d’une cohérence absolue de toutes ses composantes:
- Un cadre noir et blanc, cinématographique, des acteurs aux noms évidemment inconnus, au physique ordinaire, vêtus aussi de façon ordinaire, dotés de micro, parlant comme des voix off, monocordes.
- La mise en scène, minimaliste et recherchée, toute de noir, de blanc de gris, les éclairages diffus et intenses, les déplacements mécaniques des personnages suscitaient des émotions visuelles envoûtantes.
- Des textes qui évoquent le monde du travail, plus précisément la fermeture d’une usine et ses conséquences de manière tout aussi anodine et clinique que l’apparence des acteurs. Une narratrice articulait de courtes scènes qui s’emboîtaient et où les personnages se racontaient quelquefois en décalage avec les propos de cette dernière.
- Cette pièce m’a tant marquée que je suis retournée la voir dès novembre 2006 au théâtre de la Villette. J’y ai entraîné un groupe d’amis avec lesquels nous avons dîné sur place. Un hasard heureux a fait que j’ai pu y associer Joël Pommerat qui a passé la fin de la soirée avec nous. Il nous a parlé de son inspiration et de son mode de création « l’écriture de plateau », processus de création collective qui mène avec les acteurs la définition des thèmes, la construction de l’histoire, la construction des personnages et la mise en scène.
- Plus question de manquer une pièce de Pommerat. Je les ai toutes vues, certaines encore deux fois. J’ai vu aussi ses mises en scène d’opéra. A chaque représentation, j’ai eu la joie de retrouver ses « ingrédients », son écriture, ses acteurs qui m’étaient devenus familiers et qui vieillissaient, son usage original de la musique, son souffle dramatique qui m’avaient tant accrochée et séduite la première fois, son innovation créatrice et ses beautés formelles. Jamais, je n’ai éprouvé la lassitude de revoir appliquer des procédés répétitifs, toujours la surprise et l’émotion, sur des sujets toujours différents et graves étaient là.
Annie