Du couvent de l’enfance aux plateaux de cinéma : Sarah Bernhardt, une femme immensément libre dans une époque corsetée, ose tout et nous entraîne dans son extraordinaire destinée.
Sur scène, la première apparition de Sarah Bernhardt donne le ton : la jeune fille brave l’interdiction des sœurs du couvent de Grandchamp à Versailles auxquelles elle a été confiée et entraîne une camarade pour enterrer sa belette. Ainsi commence l’épopée de Sarah, interprétée avec panache par Estelle Meyer et neuf brillants comédiens et musiciens sur la scène du Théâtre du Palais Royal.
Des tableaux fluides et rythmés enchaînent les extravagances de “La divine”, comme le tout-Paris la surnommait : elle arrive en retard à ses répétitions, négocie son salaire, offre à Maurice, son fils adoré, un alligator, claque la porte de la Comédie Française, tombe amoureuse d’un morphinomane jaloux. C’est cette audace et cette boulimie de vie que la metteure en scène Géraldine Martineau insuffle à son texte, rehaussé de poèmes écrits et chantés par Estelle Meyer. Dans une mise en scène virevoltante, ponctuée de jolis moments musicaux, l'actrice à la haute silhouette et à la voix envoûtante incarne à merveille la liberté de ton et l'absence de limite de l'héroïne. Car, au-delà de son statut de comédienne internationale et de muse de Victor Hugo ou d’Edmond Rostand, elle est aussi une citoyenne engagée qui transforme le théâtre de l’Odéon en hôpital pendant la guerre franco-prussienne de 1870 et rejoint le front de la Meuse pendant la première guerre mondiale.
Si Estelle Meyer, solaire, porte haut l'ambition de “ce quelqu’un”, que Sarah Bernhardt chercha toute sa vie à devenir, elle nous dévoile aussi un personnage fragile, perpétuellement en manque d’amour. Ce parti-pris, qui souligne un aspect plus sombre de sa personnalité s’avère fructueux ; il éclaire différemment le personnage et l’enrichit. Toujours juste, la voix grave et légèrement cassée d’Estelle Meyer traduit alors la souffrance d’une jeune fille qui se rend malade pour retrouver une mère qui lui préféra toujours ses sœurs. Mère-fille à 20 ans, c’est une écorchée vive qu’on découvre dans ses relations amoureuses comme amicales.
A travers cette extraordinaire destinée, Géraldine Martineau, Estelle Meyer et leur joyeuse bande, nous offrent une aventure féministe, poétique et pleine d’énergie. Elles dessinent une héroïne fantasque et touchante mais surtout furieusement moderne. Bravo !
Retrouvez le portrait d’Estelle Meyer sur Artiphil
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